CMJ n°6 - INTRODUCTION

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INTRODUCTION

LE RENOUVEAU DES CAHIERS MAX JACOB

Antonio RODRIGUEZ - Patricia SUSTRAC

 

S’il est commun de voir des revues paraître et disparaître à intervalles réguliers, il est certainement moins convenu qu’une revue critique renaisse plus de quarante ans après son ultime numéro. Sans doute est-ce le propre de la réception d’une grande œuvre que d’être saisie par des générations différentes, par des perspectives diverses, par des enthousiasmes regroupés, qui donnent aux publications des élans nouveaux. La renaissance des Cahiers Max Jacob, la création du portail internet (www.max-jacob.com), le développement de nombreuses actions culturelles, l’accroissement du nombre d’adhérents (158 à ce jour) sont les projets phares de l’Association des Amis de Max Jacob (A.M.J.) dont les missions ont été redéfinies en 2005.

L’édition d’une revue centrée sur l’auteur du Cornet à déja bien évidemment déjà eu lieu, dans la mesure où cette œuvre majeure compte régulièrement une actualitécritique et éditoriale. De 1951 à 1961, l’A.M.J. a publié Les Cahiers Max Jacob. De 1978 à 1988, le professeur René Plantier qui dirigeait le Centre de recherches Max Jacob livrait des publications dont l’érudition et l’apport marquant à la connaissance de l’œuvre du poète permirent à la communauté des chercheurs de se fédérer(1). Il est certain que des différences existent entre l’après-guerre, les années quatre-vingt et aujourd’hui. Cependant, un même esprit nous anime : faire connaître l’œuvre étrange et profonde de Max Jacob, ainsi que son existence singulière. C’est pourquoi nous avons voulu nous replacer sous le signe de la mémoire, du même élan et d’une continuité critique et, de fait, il nous a semblé, plutôt que d’inventer un nouveau titre, que ce premier numéro devait adopter symboliquement le numéro 6.

Afin de situer les nouveaux Cahiers Max Jacobsous un jour favorable, nous avons aussi souhaité créer un «comité d’honneur », et nous avons sollicité les membres de l’A.M.J. dont les travaux nous semblaient représenter l’esprit et l’hori- zon de cette revue de création et de critique. Bernard Noël est un des poètes marquants de ces trente dernières années. Son exploration des différents genres, ses évocations de l’agonie de la chair, de la chute permanente et de l’être troué nous paraissent particulièrement entrer en lien avec l’œuvre de Jacob qui disait qu’«une personnalité est une erreur persistante ». Michel Deguy, poète, éditeur, professeur émérite de philosophie à l’université de Paris VIII, propose une poétique généralisée à travers ses travaux de recherche sur la littérature et son œuvre poétique faite de distanciations critiques. Tout comme Jacob, il est homme à guetter «la vérité en poème », par-delà les formalismes et l’immédiateté de l’expression. HenriMeschonnic, lui aussi poète, professeur émérite de linguistique à Paris VIII, a, outre de nombreux recueils, mené différents travaux scientifiques de grande tenue sur la poésie et le rythme. Il est également un traducteur passionné de la Bible. Retrouver René Plantier dans ce comité nous a semblé une évidence, pour saluer le travail considérable qu’il a conduit sur Max Jacob. Enfin, c’est également un plaisir de compter dans ce comité Henri Dutilleux, aux compositions hantées par le mystère, l’étrangeté et la profondeur, et qui trouvent de nombreux échos chez l’auteur d’Isabelle et Pantalon.

Quant au comité de rédaction, nous avons résolument opté pour la constitution d’une équipe internationale. De nombreux enseignants-chercheurs des universités européennes le constituent : Marie-Claire Durand-Guiziou (professeur de traduction à l’université de Las Palmas, dans les Canaries espagnoles, qui a une connaissance approfondie du Terrain Bouchaballe), Adriano Marchetti (professeur de littérature française à l’université de Bologne, qui s’est notamment intéressé à Max Jacob par le biais du Voyage en Italie), Anne Gourio (docteur de l’université de Paris III – Sorbonne-Nouvelle, spécialiste de poésie française moderne et notamment de l’imaginaire minéral) et le rédacteur en chef, Antonio Rodriguez (professeur de littérature française à l’université de Lausanne, spécialiste du discours lyrique, qui se consacre à la dimension poétique de l’œuvre de Jacob). À leur côté siègent égale ment des chercheurs passionnés. Comment ne pas compter parmi les animateurs de cette revue Hélène Henry, qui est un des piliers critiques de la communauté jacobienne ? De la même manière, Francis Deguilly, conservateur en chef des bibliothèques, chargé du volet culturel du plan Loire à la DRAC Centre, est un membre essentiel dans les liens de nos Cahiersaux institutions culturelles. Claude Tuduri, enfin, dont l’approche critique s’attache particulièrement à l’étude des questions de la représentation chez Jacob. Cette équipe internationale est ainsi mobilisée pour continuer à rassembler les chercheurs jacobiens, inciter à la diffusion de nouvelles recherches et garantir la qualité scientifique de la démarche.

Afin de réaliser ce projet de publication, l’A.M.J. a engagé un partenariat éditorial avec les Presses de l’Université de Pau. Nous souhaitions en effet rappeler la mémoire de Christine Van Rogger-Andreucci, professeur de littérature de cette université, hélas trop tôt disparue, dont les travaux concernant la symbolique des Écritures dans la poésie jacobienne ont donné une impulsion décisive à l’exégèse théologique dans la pensée de l’auteur des Méditations.

Les Cahiers vont ainsi combler un manque : celui de créer un lieu de discussion publique autour de Max Jacob. La publication annuelle de ces volumes va ainsi permettre de réunir la critique de son œuvre, d’éditer de nombreux inédits détenus dans les collections publiques ou privées, de mettre en évidence la réception actuelle de cet auteur dans le champ contemporain. Bien que privilégiant la critique et les inédits, cette revue cherche aussi à donner une place à la création actuelle par des enquêtes sur la réception de Max Jacob, par des hommages, des témoignages et des livraisons de poètes.

Le dossier de ce numéro est la publication inédite de l’intégralité du manuscrit du Journal de guerre de Max Jacob détenu par la médiathèque d’Orléans. Ce texte fait de notes diverses permet de voir comment les événements historiques de juin 1940 bouleversent l’auteur et la société française. Cette édition, menée par les soins de Francis Deguilly, est au premier abord une « paperasserie informelle », mais elle se transforme rapidement en un «manuscrit inestimable », comme le dit Hélène Henry dans sa présentation, par la dimension à la fois cocasse et tragique du quotidien décrit. Trois articles précèdent ce dossier, explorant des éléments différents de l’œuvre de Max Jacob. Jean-Marc Pontier commence par traiter des enjeux picturaux, peu commentés par la critique, par rapport l’esthétique générale de cet auteur. Marie-Claire Durand Guiziou propose une étude approfondie sur la formation des noms propres dans l’univers romanesque du Terrain Bouchaballe. Antonio Rodriguez se concentre enfin sur l’imaginaire du ventre dans la théorie de Max Jacob et sur ses influences dans sa poésie, tant du point de vue de la production que des effets de réception. La section «Max Aujourd’hui », qui suit le dossier, se compose d’hommages marquants d’auteurs importants comme Michel Deguy et Henri Meschonnic, membres d’honneur de la revue, mais aussi de deux textes consacrés aux liens de Max Jacob à l’Algérie. Tout d’abord, une célébration inédite de Jean Sénac, présentée de manière critique par un spécialiste de cet auteur, Hamid Nacer-Khodja, donne la mesure de l’écho de l’œuvre par-delà la Méditerranée. C’est ensuite un texte de Marc Bonan qui rappelle les liens de Jacob avec cette terre singulière. La section se poursuit par des comptes rendus qui permettent de situer les publications récentes des œuvres de Jacob ou des essais consacrés à cet auteur. Ce volume se termine enfin par les pages consacrées à l’historique et aux développements actuels de l’Association. C’est donc un plaisir d’ouvrir cette série de publications par un tel sommaire, à la fois consistant et varié.

La renaissance des Cahiers Max Jacob poursuit une longue tradition de recherche scientifique et universitaire. La qualité et l’exigence des travaux menés par nos prédécesseurs, la volonté de l’A.M.J. de renouer avec l’esprit de ses débuts ont permis de convaincre durablement les partenaires financiers sans lesquels ce projet ne pourrait exister. Les Cahiers Max Jacob bénéficient du soutien financier du Centre National du Livre, de la D.R.A.C. Centre, de la Ville d’Orléans et de la Ville de Quimper. Que chaque institution trouve ici l’expression de nos profonds remerciements. Notre vive gratitude va également au soutien de Sylvia Lorant- Colle, représentante des ayants-droit de l’œuvre de MaxJacob. Sans elle, les inédits ne trouveraient guère de place dans cette revue. Elle est donc un partenaire essentiel pour que cette entreprise soit une réussite.

Que ce soit d’un point de vue administratif et scientifique, tout est désormais en place pour que Les Cahiers Max Jacobdeviennent un rendez-vous annuel majeur de la critique consacrée à cet auteur. Puissent donc ces pages regrouper et renouveler le plaisir des lectures et la connaissance de cette vie, car l’existence et l’œuvre de Jacob méritent certainement une plus grande attention que celle des survols rapides, des cloisonnements historiques ou de l’application d’outils critiques. Le Cornet à dés, l’Art poétique, Le Terrain Bouchaballeou encore L’Homme de cristal sont des textes qui demandent rigueur, nuance et passion: nous espérons que la livraison annuelle des Cahiers Max Jacobservira au mieux la puissance déployée par de telles œuvres.


NOTES

1 — Il est possible de se procurer les numéros des Publications du Centre de recherches Max Jacob auprès de l’A.M.J.: voir http://www.max-jacob.com.

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Panier
Édités par l’association des Amis de Max Jacob, LES CAHIERS MAX JACOB — revue annuelle — sont publiés avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication-DRAC Centre, du Conseil Général du Loiret, de  la ville d’Orléans et de Quimper, de la Communauté de Communes Val d’Or-Forêt et du Centre National du Livre.

Les Cahiers Max Jacob sont présents chaque année, en octobre,  au Salon de la revue organisé par ENT’REVUES (espace des Blancs-Manteaux à Paris) grâce à l’aide de Livre Au Centre, agence régionale pour le livre en région Centre.