CMJ n°9 - Étapes des persécutions contre Max Jacob et sa famille
1940-1944

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Étapes des persécutions contre Max Jacob et sa famille
1940-1944

Patricia Sustrac*

 

Ce calendrier expose brièvement les persécutions qui ont frappé Max Jacob et sa famille dont le sort est intimement lié au sien.

1940

Juin
Des officiers allemands visitent la basilique et interrogent le curé à propos du « Cicérone juif ».

Juillet
Abrogation des naturalisations accordées après 1927. Les Jacob naturalisés en 1873 échappent à cette mesure. Aussi, leurs fiches de déportation noteront : « français d’origine ».

Octobre
Première Liste Otto : Max Jacob est interdit de publication
– Max Jacob et sa famille se font recenser(1).
– Recensement des entreprises juives(2). À Quimper, les biens Jacob seront confisqués et placés sous l’autorité d’un administrateur judiciaire(3). À Paris, Jacques Jacob est dépossédé de sa boutique, Lucien et Myrté-Léa Lévy poursuivent leur commerce de bijouterie jusqu’à novembre 1941.
– Max Jacob reçoit une attestation de baptême datée du 21 octobre 1940 émise par Notre-Dame-de-Sion où il avait été baptisé en 1915(4).

    1941

    29 mars
    Création du Commissariat Général aux Questions Juives chargé de « reconnaître et éliminer les Juifs de toutes les interférences dans les domaines vitaux et dans la vie publique, administrer leurs biens jusqu’à la date de leur évacuation ».

    14 mai
    Rafle du « billet vert », les détenus sont dirigés vers Beaune-la-Rolande et Pithiviers.

    Juillet-août
    Interdiction pour les Juifs de posséder une bicyclette et une radio.

    Septembre
    Max Jacob reçoit la visite du peintre allemand Paul Strecker.

    4 novembre
    Visite de la police allemande.

    22 novembre
    La Société des Auteurs informe Max Jacob qu’il ne percevra plus de droits d’auteur.

    12 décembre
    Arrestation de Lucien Lévy, beau-frère du poète, lors de la rafle dite « des notables ». Internement à Compiègne.

    1942

    13 janvier au 9 février
    Jacob se cache chez les beaux-parents de Roger Toulouse, à Orléans.

    20 janvier
    Conférence de Wannsee.

    7 février
    Instauration d’un couvre-feu spécial pour les Juifs, interdiction de changer de résidence.

    Courant mars
    Deuxième Liste Otto.

    8 mars
    Décès de Lucien Lévy, ultime traversée de Paris pour se rendre à l’enterrement.

    12 avril
    Décès de Delphine, sœur aînée du poète, ultime voyage à Quimper.

    29 mai
    Ordonnance sur le port de l’étoile jaune.

    8 juillet
    Interdiction pour les Juifs de posséder une ligne téléphonique, d’appeler d’une cabine publique, de fréquenter tous les lieux publics.

    12 juillet
    Visite des gendarmes au domicile de Max Jacob.

    16 juillet
    – Rafle du Vél’d’Hiv : 12 884 arrestations dont 4 000 enfants de 2 à 16 ans.
    – Quimper : arrestation de Gaston, frère aîné du poète, dans les jardins du Théâtre (infraction à l’ordonnance du 8 juillet), libéré au bout de deux mois.

    24 juillet
    Max Jacob reçoit beaucoup de visites, il est accusé de « complot juif ».

    1er octobre
    Second recensement des Juifs dans le Loiret ; la gendarmerie vérifie l’étoile jaune de Jacob.

    16 décembre
    Arrestation définitive de Gaston, interné à Compiègne puis transféré à Drancy, déporté à Auschwitz (convoi du 10 février 1943, gazé à son arrivée).

    1943

    10 mai
    Troisième publication de la Liste Otto : première notation du nom de Max Jacob répertorié chez Stock (maison à laquelle il « n’appartient » plus à cette date).

    13 mai
    « Ne mets plus jamais Jacob sur les enveloppes, mets Monsieur Max. »(5)

    1944

    4 janvier
    Arrestation de Myrté-Léa. Déportée par le convoi n° 66 pour Auschwitz le 20, elle sera gazée le 26(6).

    Du 19 au 25 janvier
    Jacob multiplie les appels déchirants pour la sauver auprès de : Misia Sert(7), Albert Buesche(8), l’évêque d’Orléans, l’archevêque de Sens, Pierre Minet(9), René Fauchois(10) pour qu’il alerte Sacha Guitry(11).

    2 février (mercredi)
    Jacob cite les propos de Cocteau : « L’impossible sera fait, compte sur moi comme sur toi-même ». Le poète ajoute : « Des gens inattendus font des démarches, Marie Laurencin, René Fauchois : on va approcher Arno Breker. Sacha Guitry, atteint, a dit : « Ce serait lui-même, je ferai quelque chose, pour un Israélite quelconque, je ne peux rien. »(12)

    Du 4 au 27 février
    Inauguration de l’Exposition Nationale des Beaux-Arts à Paris. Roger Toulouse expose, malgré les interdictions concernant les Juifs, Le poète à l’orchidée, peint lors du séjour-refuge de Jacob à Orléans.

    16 février (mercredi)
    Pierre Minet sollicite Georges Prade pour Myrté-Léa.

    20 février (dimanche)
    Visite de la Basilique de Saint-Benoît : seconde inscription sur le livre des visites : Max Jacob 1921-1944(13). Dernières séries de clichés photographiques du poète réalisés par Marcel Béalu.

    Du 23 au 24 février
    Début des arrestations des Juifs dans le Loiret.

    24 février (jeudi)
    À l’aube : Max Jacob se lève toujours tôt afin de pouvoir écrire sa méditation quotidienne. Il note à 6 h 15 des modifications de son rituel issues de l’enseignement de Fatima(14).
    7 h-8 h : Jacob assiste à la messe (chapelle de l’hospice, actuellement la mairie).
    9 h-10 h : Jacob écrit ses (sa) dernière(s) lettre(s) en particulier à Clotilde Bauguion datée par inadvertance du 25 février.
    11 h : Le docteur Durand voit une voiture devant le domicile du poète marquée POL(15).
    Arrestation en un quart d’heure par trois membres de la Gestapo d’Orléans(16).
    À partir de midi : Le chanoine Fleureau fait prévenir Roger Toulouse à Orléans. Toulouse contacte Marcel Béalu, Jean Denöel et André Salmon. Salmon alerte Cocteau.
    Un gendarme prévient par lettre anonyme le peintre Jean Boullet(17).
    Max Jacob est incarcéré à la prison militaire d’Orléans dans des conditions sordides (emplacement de l’actuel Palais des Sports). Le poète se dévoue auprès des malades, tente de les distraire.

    25 février (vendredi)
    Jean Cocteau à Marcel Béalu : « Je ferai l’impossible. »(18)

    26 février (samedi)
    – Bref appel à l’aide de Max Jacob à Jean Rousselot : « Préviens Cocteau ».
    – Conrad Moricand alerte Georges Prade.
    – Réunion chez André Salmon.

    26 ou 27 février (dimanche)
    André Salmon se présente au domicile de Pablo Picasso, il est éconduit(19).

    28 février (lundi)
    – Départ pour Drancy. De la gare d’Austerlitz, Jacob poste de brefs SOS : au chanoine Fleureau, son curé ; à Jacques Jacob(20) ; à Jean Cocteau ; au relieur Paul Bonnet. Deux sont signalés par les destinataires, les originaux manquent : Conrad Moricand(21) et André Salmon(22).
    – Drancy : début de soirée, arrivée des détenus au camp(23).
    – Bureau des effectifs : Max Jacob, matricule 15 872, déclare la somme de 5 520 francs et une montre en or (n° d’inventaire H 982).
    – Mme Bloch employée au greffe signale la présence du poète à sa mère, Mme Léon, qui le connaissait(24).
    – On attribue à Jacob une paillasse au 4e ou au 2e étage de l’escalier 19 (aile des départs, escalier des hommes).

    29 février (mardi)
    – Jean Cocteau reçoit l’appel à l’aide de Jacob.
    – Georges Prade écarte la caution de Picasso(25).
    – Jean Cocteau et Marcel Jouhandeau préviennent Gerhard Heller(26).
    – Jacques Jacob reçoit l’appel à l’aide de son frère(27).
    – La requête de Jean Cocteau est remise à l’ambassade d’Allemagne par Georges Prade.

    Date inconnue
    Pierre Colle et Henri Sauguet intercèdent auprès de Picasso au Catalan : ils sont éconduits.

    Mars (dates inconnues)
    – Jacob est désigné pour le convoi n° 69 du 7 mars vers Auschwitz.
    – Admission à l’infirmerie(28) : pneumonie au poumon sommet gauche (cause du décès augmentée d’un collapsus cardiaque).

    5 mars (dimanche)
    21 h : Décès de Max Jacob. Le Bureau du commandement du camp reçoit les affaires du défunt à l’exception d’un chapelet conservé par Mme Bloch et d’une photo d’identité remise à Mme Léon. Ses deux filles et deux infirmières procèdent à la toilette mortuaire du défunt(29).
    – Lettre de Conrad Moricand à Théophile Briant(30) : malgré les actions de Georges Prade, « Hélas, nous piétinons » ; il décide de solliciter une audience auprès des services de la Gestapo et demande à Salmon d’organiser une pétition(31) parmi les milieux littéraires.

    6 mars (lundi)
    – Henri Jadoux et Sacha Guitry sont-ils reçus par un officier des services de la Gestapo ?
    – Ambassade d’Allemagne : début de l’instruction administrative de la requête en faveur de Max Jacob.
    – Enregistrement de l’acte de décès au commissariat de Pantin. Délivrance simultanée du visa autorisant le transfert à l’Institut médico-légal. Pas de constatation, sur le corps, « les autorités allemandes interdisant l’entrée de l’enceinte réservée aux Juifs »(32).

    7 mars (mardi)
    – Déclaration du décès à la mairie de Drancy par Raymond Goupil, gardien de la paix. Visa du parquet de la Seine enregistrant la mort naturelle. Transmission au procureur de la République aux fins d’inhumation.
    – Départ du convoi n° 69 : 1 501 déportés (178 mineurs).
    – La brigade de gendarmerie de Gien est informée de l’arrestation de Max Jacob.

    9 mars (jeudi)
    Encouragé par la lettre d’Albert Buesche(33), Roger Toulouse téléphone au Père Arsène à Saint-Benoît et annonce la libération de Jacob. On se cotise pour lui acheter un cadeau.

    11 mars (samedi)
    Inhumation de Jacob au cimetière d’Ivry-sur-Seine (fosse commune).

    13 mars (lundi)
    L’avis de décès est reçu par la mairie de Saint-Benoît : le maire prévient André Salmon, Jean Rousselot, le chanoine Fleureau (qui prévient Marcel Béalu). Le docteur Durand prévient les Toulouse.

    15 mars (mercredi)
    – Jean Cocteau apprend le décès de Max Jacob.
    – Salmon prévient Pierre Colle(34).

    17 mars (vendredi)
    – Marcel Béalu, Roger Toulouse, Jean Rousselot font dire une messe à la mémoire du poète à Saint-Benoît.
    – Article nécrologique haineux dans Paris-Midi.

    18 mars (samedi)
    – Première messe à Saint-Roch (Paris)(35).
    – Pierre Colle se rend à Saint-Benoît. Il est informé de son statut de légataire et reçoit les archives du poète(36).

    19 mars (dimanche)
    Le désir attrapé par la queue de Picasso joué chez les Leiris en mémoire du poète disparu.

    20 mars (lundi)
    Entrefilets nécrologiques haineux dans Paris-Soir, L’Œuvre, Le Petit Parisien(37).

    21 mars (mardi)
    Deuxième messe à Saint-Roch en présence de « cinquante à soixante personnes »(38).

    26 mars (dimanche)
    L’Abbé Morel bénit la tombe(39) (retour du corps à Saint-Benoît le 5 mars 1949).

    Avril
    Article de Leiris et d’Eluard (poème de L. Parrot) dans Les Lettres Françaises n°15.

    8 avril
    Ambassade d’Allemagne : la requête de Cocteau est définitivement classée(40).

    1er décembre
    René Fauchois reçoit de l’UGIF les papiers personnels de Jacob.


    * Présidente de l’A.M.J., Patricia Sustrac travaille à la fois sur des questions biographiques et sur les correspondances du poète. Elle a publié Les Lettres de Max Jacob à Roger Toulouse, Troyes : Les Cahiers Bleus, 1992 (en collaboration avec Christine Van Rogger-Andreucci) ; Lettres à un jeune homme, 1938-1944, Paris : Bartillat, 2009 (lettres à Jean-Jacques Mezure).

    NOTES

    1 — Au terme du recensement, on compte dans le Loiret : deux cent soixante-treize juifs (cent huit femmes, cent dix hommes, cinquante-cinq enfants). Parmi eux : cinq professions libérales dont un homme de lettres (Service des affaires juives, bordereau 25878, fonds de la Préfecture, Archives départementales du Loiret). Dans le Finistère, vingt familles juives demeurent à Quimper. Cinq d’entre elles se déclarent catholiques ; une se déclare orthodoxe ; reste un groupe de cinq adultes et des familles indifférentes, agnostiques ou athées qui ne renseignent pas la case « confession ». C’est le cas de Delphine et Gaston Jacob. Voir les travaux de TOCZÉ Claude avec la collaboration d’Annie LAMBERT, Les Juifs en Bretagne Ve-XXe siècles, Rennes : Presses Universitaires de Rennes (coll. Mémoire commune), 2006.

    2 — À Quimper, une affiche indique « « Jude ». Une pancarte avait signalé quelques jours avant la fermeture du magasin : « Gros rabais-fin de saison », une seconde : « Liquidation- Profitez des derniers jours » (GRAAL Jean, Carnets 1938-1944, extraits Juin à Décembre 1940, Quimper : Centre Culturel Quimpérois, 2004, p. 50).

    3 — Archives Nationales, Paris, AJ/384560 dossier 3892, 3893 et AJ/38/5438.

    4 — BNF, Département Arts et Spectacles, fds René Fauchois, 4° Coll. 39, 122, 2.

    5 — JACOB Max, Lettres à Roger Toulouse, 1937-1944, op. cit., p. 92.

    6 — À Drancy, Myrté-Léa se déclare VOE [veuve sans enfants] (fiche de greffe, Archives Nationales, Paris, F/9/5619/1). Or, son fils Robert (1909-1980), handicapé mental profond, est, depuis 1932, interné à l’Hôpital de Villejuif (il sera transféré à l’Hôpital de Charenton le 1er décembre 1944 où il décédera sans jamais avoir recouvré ses esprits, registre des admissions 4X505, répertoire 611, 612 et 4 X 413 Archives départementales du Val de Marne). Par sa fausse déclaration, Myrté-Léa sauve son fils d’une mort certaine, les handicapés et aliénés étant systématiquement gazés (cf. le programme Aktion T4).

    7 — JACOB Max, Les Propos et les Jours, 1904-1944, lettres réunies, annotées et présentées par Annie Marcoux et Didier Gompel-Netter, Turin : Zodiaque (coll. Visages et documents 8), 1978, p. 507.

    8 — Jacob a t-il envoyé cette lettre ? Non, affirme Didier Gompel (ibid. p. 89). Mais le 9 février Jacob écrit qu’il attend toujours une réponse (JACOB Max, Lettres à Roger Toulouse, op. cit., p. 98-99).

    9 — JACOB Max, Lettres à Pierre Minet, op. cit. , p. 116.

    10 — « Ami Fauchois, Je sais que tu es bon, c’est pourquoi je t’appelle au secours. La persécution juive m’arrache un cri de douleur et ce cri est un appel à ta charité. J’ai supporté la destruction du foyer familial à Quimper où mes pauvres parents avaient fondé l’estime et les sympathies, la mort de chagrin d’une sœur, l’emprisonnement d’un frère parce que je crois à la rédemption par la souffrance et Dieu fait souffrir ceux qu’il veut ennoblir. Il veut que sa famille à lui, Jésus-Christ, soit digne de Lui... Il n’y a que la souffrance. Mais c’est trop ! On a arrêté le 4 janvier 44 ma sœur préférée. Elle avait perdu son mari mort de souffrances au camp de concentration de Compiègne. Elle n’avait qu’un fils, c’est un aliéné, il est à Villejuif. Elle allait le voir le dimanche : c’était le but de sa vie, de sa semaine. Elle économisait pour lui apporter de la nourriture ! Le pauvre neveu ne verra plus sa mère, ni elle son fils ! Ma sœur est arrêtée ! Elle a été au dépôt avec les filles publiques (mot qu’elle ignore même !). Elle est au Drancy. Va-t-on l’envoyer en Allemagne ? Elle s’appelle Mme Lucien Lévy. Elle est née à Quimper le 24 août 1884 ou 85 ou 86 peut-être. Elle était mariée à un artisan de la rue Pierre-Levée 16, dans le XIe arrondissement. Une enfant de 60 ans ! Un agneau ! Une colombe ! On me dit que Sacha Guitry a obtenu des libérations. Excuse-moi de te demander de lui parler. Ce n’est pas très délicat de ma part mais tu excuseras ma folle douleur. À qui m’adresser ? Tu es bon ! Tu n’es pas un de ces hommes qui songerait à se débarrasser d’un ami suppliant. Je sais que tu comprends tout. La charité est une rançon de la gloire. J’ai écrit à l’évêque d’Orléans qui me connaît, à l’archevêque de Sens qui s’intéresse aux juifs. J’aurai certes des réponses polies et ecclésiastiques. J’ai écrit à Mme Sert qui est puissante et adroite. Tout cela sans grand espoir mais j’ai confiance car il n’y a que les poètes qui connaissent la compassion et plus ils sont grands plus la compassion est profonde. Mon frère a été mené dans une prison inconnue arrêté le 16 décembre 1942, était né à Quimper le 14 mai 1875. Il avait fait la guerre de 14, comme mes trois frères l’ont faite. Mon père avait fait la guerre de 1870. Dieu frappe fort ma famille et m’épargne pour montrer comme il s’occupe de ceux-là qui s’occupent de lui. Ma famille était nettement athée. Puisse la douleur la convertir » GUITRY Sacha, Quatre ans d’Occupations, op. cit., p. 855. La lettre de Max Jacob à René Fauchois y est citée partiellement, l’original donné ici est à la BNF, Département Arts et Spectacles, fds René Fauchois, 4°COL-39/122-2.

    11 — Lettre inédite de Max Jacob à René Fauchois : « Je ne t’ai pas encore remercié de ta lettre si bonne et si fervente parce qu’elle m’en promettait une seconde. Ton silence ne me dit rien de bon, hélas ! Il est éloquent. Marie Laurencin m’écrit qu’on ne sait pas où est ma sœur. C’est un nouveau coup de poignard. Dans toute cette douleur, ta bonté m’a fait beaucoup de bien. Notre Seigneur ne doit pas être incriminé pour les souffrances de la terre. Les Écritures nous avertissent que la terre est une « vallée de larmes ». Les mauvais souffrent parce qu’ils méritent de souffrir. Les bons souffrent parce que la souffrance est une épreuve. Dieu veut mener les hommes au Paradis. Il est venu de la terre pour les spiritualiser afin de les rendre dignes du Paradis. Il n’entre au Ciel rien que de très pur, et comment nous purifier si ce n’est par la souffrance. Ceux mêmes qui n’auront pas assez souffert de la terre, souffriront au Purgatoire. « Si c’est là ce que l’on fait au bois vert, dit le Seigneur pendant la torture, que ferait-on au bois mort ». Nous sommes tous du bois mort. C’est pourquoi je ne me plains pas de la douleur aiguë que me cause le martyre de ma famille. Je plains seulement ma famille qui ne connaît pas la loi terrestre et divine. Je t’aime pour ton dévouement que je n’oublierai jamais », BNF, Département Arts et Spectacles, fds René Fauchois, 27 janvier 1944, op. cit.

    12 — Lettre inédite de Max Jacob à Maurice Szigeti du 2 février 1944, op. cit.

    13 — Première inscription le 9 août 1936, visite de Roger Lannes, Pierre Lagarde, Jean Oberlé et Jean Fraysse, JACOB Max, Les Propos et les Jours, op. cit., p. 511.

    14 — ANDREU Pierre, « Les derniers jours de Max Jacob », Cahiers de l’IROISE, 32e année, n°1 (nouvelle série), janvier-mars 1985, p. 7-12.

    15Ibid. p. 8.

    16 — « Arrestation de Max Jacob », note du Docteur Castelbon, 23 mars 1991, archives Les Amis de Max Jacob.

    17 — Il s’agit du gendarme Henri Beauvais de Sully-sur-Loire (JACOB Max, Les Amitiés et les Amours, op. cit. p. 102). Cette lettre a été publiée dans le journal Temps Présent (8e année, nouvelle série, 8 sept. 1944, p. 4) accompagnée d’un autoportrait du poète daté de 1942. La légende indique que les « inédits publiés sont extraits des lettres à Jean Boullet à paraître », deux méditations sur le psaume 127 sont également jointes. Les lettres de Jacob à Jean Boullet restent encore inédites, les recherches sont restées vaines. Denis Cholet dans la biographie qu’il a consacrée à ce jeune artiste n’évoque pas sa relation avec Max Jacob (CHOLET Denis, Jean Boullet, le précurseur, Paris : Feel, 1999).

    18 — Lettre de Jean Cocteau à Marcel Béalu (ms 2513, Médiathèque d’Orléans).

    19 — JACOB Max, JACOB Max, SALMON André, Correspondance 1905-1944, correspondance annotée et présentée par Jacqueline Gojard, Paris : Gallimard (coll. Les Cahiers de la NRF), 2009, p. 337. Picasso a-t-il refusé de recevoir Salmon en mémoire de ses prises de position lors de la guerre d’Espagne ou pour ses activités au sein du Petit Parisien ? Le peintre ne s’est jamais exprimé sur ces sujets, ses biographes non plus.

    20 — « Je serai au Drancy aujourd’hui. Avertis Salmon et Pierre Minet », suivent les adresses et « tout va assez bien » (ms 2333, Médiathèque d’Orléans).

    21 — « Je t’écris dans le wagon qui me mène au Drancy. Que la volonté de Dieu soit faite. Les gendarmes sont charmants » (MORICAND Conrad, « Une lettre de Conrad Moricand transmise par le Docteur Szigeti », op. cit., p. 66).

    22 — SALMON André, Souvenirs sans fin, troisième époque (1920-1940), Paris : Gallimard, p. 294.

    23 — État des entrées à Drancy le 28 février 1944 : soixante-trois juifs du Loiret, sept de Bourges, un d’Auxerre, six de Besançon, KLARSFELD Serge, La Shoah en France, Paris : Fayard, t. III (Le calendrier de la persécution des Juifs de France, septembre 1942-Août 1944), 2001, page 1789.

    24 — « Elle vint le voir dans sa chambrée, il l’accueillit en lui donnant le surnom qu’il lui donnait lorsqu’il la rencontrait chez M. ou Mme Hertz c’est-à-dire “Printemps” » (Lettre inédite de Mme Bloch à Mme Hélène Henry du 17 mars [1969], ms 2333, Médiathèque d’Orléans).

    25 — Georges Prade innocentera le peintre : « Picasso dont j’étais pourtant politiquement si éloigné se mit immédiatement à ma totale disposition et j’eus toute les peines du monde à l’empêcher de signer lui aussi le document que je remis le jour même de sa rédaction au conseiller Von Bose » (Figaro, 19 mars 1982).

    26 — Heller Gerhardt, Un Allemand à Paris 1940-1944, Paris : Seuil, p. 181-184. Concernant la vraisemblance du témoignage de Gerhardt Heller voir Max Jacob et Picasso, op. cit., note 38, page 278.

    27 — Lettre de Jacques Jacob à Pierre Minet du 29 février 1944 : « Mon frère Max Jacob de St Benoît a été arrêté le 24. Il a pu me faire savoir qu’il est au Drancy depuis hier 28 et me prie de vous avertir au plus tôt. Ce que je fais, avec l’espoir que vous pourrez quelque chose pour lui » (ms 2333-I, Médiathèque d’Orléans). Réponse de Minet à Jacques Jacob : « Nous sommes plusieurs à connaître depuis quelques jours la triste nouvelle que vous me communiquez. Nous avons immédiatement entrepris des démarches qui, nous le croyons, aboutiront à un heureux résultat. Mais nous ignorions où se trouvait précisément votre frère. Si vous avez l’occasion de communiquer avec Max, faites-lui savoir que nous ne l’abandonnons pas. Au cas où vous apprendriez quelque chose de nouveau, veuillez me le faire savoir aussitôt. » (ibid.)

    28 — « J’ai appris de suite l’arrivée de Max Jacob au camp. Max Jacob a été hospitalisé le lendemain de son arrivée à Drancy. » Mme Léon poursuit en indiquant qu’« [elle] ne le croyait pas aussi gravement atteint et [ma] surprise a été grande en apprenant le soir même que ce pauvre ami n’était plus » (Lettre inédite de Mme Bloch à Mme Hélène Henry, op. cit.). L’acte de décès est formel, Jacob est mort le 5 mars à 21 heures, il n’a pas été admis à l’infirmerie le jour de son arrivée.

    29 — Mme Bloch constate que « le disparu avait conservé, (…) un visage fort détendu et une expression sereine. Je le savais très pieux, mais sans doute ne s’est-il pas vu mourir, puisqu’à aucun moment il n’a réclamé de secours religieux. Il était absolument calme devant sa mort ». Mme Bloch poursuit : « Dans la petite pièce dans laquelle nous nous sommes réunis, quelques personnes pieuses dont le chef de camp [Georges Schmitt, en fonction de novembre 1943 à avril 1944, déporté le 17 août 1944] ont récité des prières pour lui » (ibid.). Le docteur Weille précise que Jacob lui a demandé un prêtre à plusieurs reprises mais qu’il n’a pu en trouver dans le camp. Il note que « seules quelques femmes de religion catholique dont Mme Léon (si ma mémoire est bonne) sont venues réciter la prière des agonisants » (lettre inédite du docteur Raymond Weille à Mme Hélène Henry, 22 février 1993, archives Les Amis de Max Jacob). Mme Bloch ne confirme pas la présence de sa mère, ni Mme Léon la sienne (ms 2333, Médiathèque d’Orléans).

    30 — JACOB Max, Lettres à Théophile Briant et Conrad Moricand 1920-1941, op. cit., p. 150.

    31 — Voir Max Jacob et Picasso, op. cit., notes 28, 29 et 30, p. 277-278.

    32 — Acte de décès de Max Jacob, n° de répertoire 5146, registre D-année 1944- Folio 106.

    33 — JACOB Max, Lettres à Roger Toulouse, op. cit., p. 101.

    34 — JACOB Max, Lettres à Jean Colle : 1923-1943, transcription de Sylvia Lorant-Colle, annotation de Maurice Dirou, Douarnenez : Mémoire de la Ville, 1996, p. 70.

    35 — État des répartitions du produit des cérémonies funèbres de Saint-Roch, année 1944, mois de mars. La messe du 18 n’est pas mentionnée sur cet état. Voir LACHGAR Lina, Arrestation et mort de Max Jacob, op. cit., p. 75.

    36 — JACOB Max, Lettres à Jean Colle : 1923-1943, op. cit., p. 71.

    37 — MORICAND Conrad, « Une lettre de Conrad Moricand transmise par le Docteur Szigeti », op. cit., p. 64. Moricand évoque « l’ordure nécrologique probablement de Laubro [i. e. Laubreau] » que Salmon, journaliste au Petit Parisien, a laissé passer.

    38 — JACOB Max, Lettres à Jean Colle : 1923-1943, ibid.

    39 — MOREL Abbé François, « Max Jacob post mortem » dans JACOB Max, In Memoriam Max Jacob, 1944, C’était il y a trente ans…, op. cit., p. 53.

    40 — Visa de Klingenfuss : « ZdA [zu den Akten] verfügt, also die Ablage in der Registratur : « Affaire classée, donc déposée et enregistrée dans les archives » (trad. Yasmin Hoffman).


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    Édités par l’association des Amis de Max Jacob, LES CAHIERS MAX JACOB — revue annuelle — sont publiés avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication-DRAC Centre, du Conseil Général du Loiret, de  la ville d’Orléans et de Quimper, de la Communauté de Communes Val d’Or-Forêt et du Centre National du Livre.

    Les Cahiers Max Jacob sont présents chaque année, en octobre,  au Salon de la revue organisé par ENT’REVUES (espace des Blancs-Manteaux à Paris) grâce à l’aide de Livre Au Centre, agence régionale pour le livre en région Centre.